Mindelo, tout en musique
Cette petite citée portuaire, capitale de l’île de São Vicente est la porte d’entrée pour tout voyage vers Santo Antão. En effet depuis la fermeture de son aéroport, Santo Antão n’est plus reliée au reste du monde que par la voie maritime. On atterrit sur São Vicente à l’aéroport international Césaria Evora. Vous êtes déjà dans l’ambiance. La chanteuse « aux pieds nus », native de la ville, a laissé son empreinte musicale. Tous les soirs la musique capverdienne « monte » de tous les bars et restaurants de la ville. Il fait bon vivre à Mindelo
L’incontournable ferry
C’est généralement par le ferry du matin que l’on rejoins Santo Antao. Une traversée durant laquelle se mêlent les touristes et les capverdiens. Passé l’ilot du phare de Djeu, la traversée du chenal qui sépare les deux îles est parfois mouvementée. C’est à Porto Novo que l’on débarque. Dès la sortie du terminal maritime, vous trouverez un joyeux brouhaha. Ce sont les fameux « alugers », ces véhicules de transport collectif, qui vont vous proposer leur service. Ils sont nombreux à interpeller le voyageur, mais rassurez vous rien d’agressif.
Pour nous, direction Pontinha de Janela, quelques maisons accrochées à flanc de montagne qui surplombent l’océan. C’est le point de départ de notre trek en itinérant. Un itinéraire d’ onze étapes qui va nous emmener à traverser intégralement l’île. Ce soir nous serons hébergés chez George et son épouse, un couple d’enseignants charmants. Ils complètent leurs revenus avec l’accueil de voyageurs de passage et vous fond découvrir la petite Ribeira où il vivent.
Sur les hauteurs de Ribeira de Janela
La météo s’est dégradée dans la nuit et une grosse dépression se bloque sur l’Est de l’île. Tous les sommets sont déjà dans la brume dès le départ de notre marche et la pluie est attendue. Nous prenons rapidement de la hauteur et le sentier traverse de nombreux hameaux, accrochés sur les flancs du Tope de Carrosco. C’est à l’approche du Pico de la Cruz que la pluie nous rattrape. Ce trekking Santo Antõ débute donc sous un vrai déluge. Il faut gagner maintenant, coûte que coûte, Vila das Pombas, notre étape du jour et ce malgré la tempête.
La vallée du grogue
Il a plu toute la nuit. Il faut se mettre en route malgré les mauvaises conditions. C’est presque incroyable sur cette île où les précipitations sont rares. Nous remontons la vallée fertile de Paul, connue pour ses plantations de cannes à sucre. Ici on y élabore le grogue, un rhum local, qu’il faut bien sur goûter. L’eau ruisselle de partout et la pluie redouble d’intensité, nous traversons à plusieurs reprise des torrents en crue. Et c’est assez tard donc que nous arrivons au village de Chã de Manuel dos Santos. L’étape est loin d’être terminée. Il faut encore monter et toujours monter, près de deux heures, vers le cratère de Cova de Paul pour rejoindre ensuite Espongeiro. Nous sommes à 1300 m sur les hauteurs de l’île et le froid et l’humidité se font sentir. Nous avons même l’onglet aux bouts des doigts, une météo incroyable au Cap Vert, en cette mi Novembre.
L’étape 3 vers Caibros
Après une nuit réparatrice à Espongeiro, il faut se remettre en route. La météo s’est améliorée et la tempête s’éloigne. Ouf, on va enfin sortir le short. Pour cette nouvelle randonnée au Cap Vert, on traverse tout d’abord le plateau de Lagos. Et c’est une fois arrivés à Matinho que le soleil nous rattrape. La descente en direction du nord, vers Caibros dans des paysages volcaniques est de toute beauté et pourtant nous en avons vu d’autres.
La Ribeira Grande
L’étape du jour remonte la vallée de Ribeira Grande, une des plus importante de l’île. Elle est parsemée de petits villages et de hameaux accrochés sur les flancs montagneux. Les sentiers de Santo Antão sont de toute beauté, ce sont de véritables constructions grandioses, qui permettent les liaisons entre les vallées, mêmes lorsque les passages sur les pics semblent infranchissables. Nous remontons maintenant vers Cabo do Mocho et le sentier, pavé par endroits, épouse les flancs des montagnes et les précipices avec un système de « serpentines » donc les capverdiens ont le secret. Si vous faites cette randonnée, vous arriverez, comme nous, à la mi -journée à Chã de Igreja. Le village est paisible, la vie s’écoule à un rythme tranquille. Sur la place principale, autour de l’église, il fait bon s’assoir et observer cette vie capverdienne si différente. Chã de Igreja s’ouvre au tourisme et quelques auberges permettent d’y faire étape.
Ponta Do Sol par le sentier côtier
Si Chã de Igreja s’ouvre au tourisme de nature, c’est en grande partie grâce à sa positon stratégique sur ce fameux sentier côtier. Ce sentier tout aussi magnifique qu’impressionnant parcours la côte rocheuse et abrupte entre Cruzinha da Garca et Fontainhas. Les serpentines capverdiennes font aujourd’hui « miracle » pour accrocher ce sentier aux falaises qui surplombent l’océan. Cet itinéraire est conseillé dans tous les guides touristiques. Et c’est en toute logique, le jour où nous aurons croisé le plus de randonneurs. Une vingtaine tout au plus sur la journée, cela reste raisonnable. Nous retiendrons de cette journée les rencontres faites le long du chemin. Comme ce jeune garçon timide, qui vends de l’artisanat à base de coquillages fabriqué en famille. Ou encore une très vieille mamie capverdienne qui incite le touriste à consommer dans le petit bar tenu par sa fille. Bien sur, il faut retenir aussi cette étape mythique à Ponta do Sol, charmante petite bourgade à l’ambiance particulière. Comme nous, vous ne résisterez pas à la photo clin d’œil sur la piste désaffectée de l’aéroport.
Les vallées isolées du centre de l’île
Avec un transport en « aluger » on rejoint à nouveau Chã de Igreja où débute pour nous la seconde partie du trek, plus solitaire et par des chemins fréquentés uniquement par les locaux. Sur les sept étapes qui vont suivre nous ne rencontrerons uniquement que quatre randonneurs occidentaux. Aujourd’hui il faut programmer l’heure de départ en fonction de la marée, car il faut au départ traverser la « plage » de la Baia da Cruzinha. Ensuite on s’enfonce dans les vallées les plus reculées de l’île. Ribeira de Inverno, Ribeira Alta, pour terminer afin, avec un dénivelé cumulé sur la journée assez conséquent à Ribeira do Figueriras. Ne cherchez pas ici d’hôtel ou autre complexe. Nous faisons étape chez l’habitant. C’est Georges qui accueille et organise le passage des randonneurs dans cette vallée reculée. A la fois muletier, « aubergiste », cultivateur, il est l’homme indispensable si vous voulez découvrir ces vallées.
Le Salto Petro
Le démarrage est rude, il faut grimper dès le matin sur les crêtes qui dominent Meio de España. Les capverdiens sont déjà au travail dans les champs en terrasses qui se superposent le long de la vallée. Le sommet du salto Petro marque le changement de vallée. Un âne solitaire, trouvant surement notre compagnie plus à son goût, décide de nous accompagner jusqu’au première maison de Alto Mira.
Comble du luxe, ce soir la maison d’hôtes qui nous accueille dispose d’une piscine et d’un petit restaurant ouvert au public.
L’étape vers Chã da Morte
Ce sera aujourd’hui l’étape la plus courte et la plus facile de tout le trek. On quitte aussi les dernières nuances de vert dans les paysages et on se dirige vers la partie la plus minérale et aride de l’île. On retrouve un peu plus de vie dans cette vallée où se rendent quotidiennement les enfants pour suivre leur scolarité.
La maison de Suzeth et Nelson qui accueillent les randonneurs au dessus de leurs épicerie est un lieu « stratégique » pour s’immerger dans la vie quotidienne des habitants. Installés à même le trottoir, nous passerons une grande partie de l’après midi à croiser les regards souriants des capverdiens de toute génération.
Au Tope de l’île, une dure journée
Il faut arriver à ce 9 ème jour de marche en grande forme, si l’on veut se lancer dans cette dernière partie du trek. C’est la découverte de l’ouest de l’île et surtout la montée au Tope de Coroa 1979m, le point culminant de Santo Antão, qui sont au programme.
On grimpe tout d’abord un véritable mur rocheux, dans lequel le chemin se fraye un passage. Le sentier révèle encore une fois la maitrise de la construction en pierres sèches des cap verdiens. Au bout d’un bel effort le trekkeur arrive enfin sur le plateau. C’est très aride et nous croisons quelques femmes qui y cueillent une maigre récolte de pois d’Angole. Nous arrivons à la « cooperativa », une épicerie collective autour d’une citerne d’eau et de quelques maisons très rudimentaires. Y a t’il un endroit plus isolé sur cette île? Nous aurons la réponse le lendemain.
Pour l’heure nous délestons nos sacs à dos afin d’attaquer, le plus légers possible, l’ascension du volcan Tope de Coroa. La journée est donc loin d’être terminée, il nous faudra plus de trois heures d’ascension dans les champs de laves et de pierres ponce poussiéreuses pour prendre pied sur le volcan. Que d’émotions et quelle vue. Peu avant la tombée de la nuit nous arrivons à nouveau à la cooperativa. Ce soir nous dormons chez Joana. Elle nous loue sa chambre et nous prépare un repas frugal, quelques pois chiches, des œufs durs et une boite de thon. Mais la richesse de ce repas est ailleurs, nous rentrons dans l’intimité de cette dame. Dans sa chambre, les photos de son mari décédé, de son fils à l’armée, de bien modestes vêtements dans un placard…. un trésor dans ce coin de l’île où il n’y a rien ou si peu. Même pas d’eau, car la citerne est remplie une fois par semaine par un camion ravitailleur. Alors si vous passez par là, concentrez vous sur les 1700 mètres de dénivelé et la joie du sommet atteint. Economisez l’eau, mangez le peu qu’il y a et ne tapez pas un crise si ça manque de sel. Et surtout, surtout ne vous posez pas de questions. Sortez une « grosse coupure » d’escudos Cap verdien de votre poche et c’est tout relatif au vue du cours, remerciez Joana de ce qu’elle vous a offert et n’attendez surtout pas la monnaie. Avec votre passage, Joana fera l’équivalent d’un mois ou probablement plus.
Ne manquez pas Monte Trigo
Ce trekking Santo Antao touche à sa fin, mais l’étape du jour reste encore décisive. Plus de mil mètres de dénivelé négatif sont à franchir, sans compter les remontées de vallées. La journée est longue et éprouvante. On traverse la région de Pascoal Alves et ces quelques minuscules hameaux occupés par quelques rares éleveurs de chèvres. Une église abandonnée au beau milieu de cette zone quasi désertique, vient renforcer cette sensation d’isolement. En fin d’après midi, on retrouve la civilisation au bourg de Monte Trigo, tout un paradoxe pour un village isolé, accessible uniquement par bateau. Le coucher de soleil est tout simplement magique.
La splendide plage de Tarrafal
Après dix jours de marche, cette dernière étape est une simple formalité. Par le sentier côtier qui surplombe l’océan, on rejoint la fin du périple, le bout du bout de l’île, la plage de Tarrafal. Une petite 1/2 journée de marche sépare les deux villages. Tarrafal de Monte Trigo autrefois authentique bout du monde se modernise. Une piste déssert désormais le village et son pavement en pierres volcaniques avance année après année pour le connecter à la capitale insulaire. Mais la destination reste pour le moment idyllique et il faut prévoir de séjourner un jour ou deux ici à la fin d’un trekking Santo Antão.
N’oubliez pas Mindelo
Au retour d’un trekking Santo Antão, il faut repasser par l’île de São Vicente. C’est l’occasion de prendre le temps de visiter Mindelo, la capitale insulaire. Ne manquez pas le marché local, baladez vous dans le petit centre ville pour y découvrir l’architecture typique d’influence coloniale et l’ambiance . Coté plage, il faut se rendre à Baia das Gatas, où vous trouverez une belle zone de baignade protégée de la houle et des courants. Si vous disposez de moins de temps, la plage de Mindelo, Praia da Laginha, juste après le port fera l’affaire pour un peu de détente. Vous pouvez aussi louer un scooter et partir à la journée pour visiter l’île. Commencez par vous rendre au sommet du Monte Verde pour y admirer la vue à 360°, avant de poursuivre en direction de Salamansa, Baia das Gatas et rentrer ensuite à Mindelo, via le petit village côtier de Calhau.
Conclusion de ces quinze jours de trip
Magnifique trekking Santo Antão dans ces montagnes contrastées. Les capverdiens sont adorables et l’ambiance créole vous plonge, dès l’arrivée, dans le dépaysement. On a surtout adoré les deux étapes à l’Ouest de l’île, avec cette sensation de réel bout du monde. Et c’est sûr que le coucher de soleil sur Monte Trigo restera longtemps gravé dans nos mémoires. Alors oui, on vous recommande cette destination, sans hésiter. En revanche, arrivez bien préparés physiquement pour vous lancer dans la traversée de l’île tel que nous l’avons réalisée. Dénivelés importants pour traverser les vallées du centre. Terrain très minéral, dans la région du volcan Tope de Coroa. Maîtrise indispensable de la carte et de l’orientation pour ce trekking Santo Antão, surtout si vous explorez la partie Ouest de l’île. Autour des villages, petites balades possibles, sans difficultés particulières. Nourriture simple, mais excellente et saine, à base de fruits et légumes locaux, riz, poissons frais. Vous aurez surement l’occasion de goûter au manioc.
Une destination qui mérite un second voyage !
C’est certain qu’avec un archipel qui compte dix îles, il est difficile de tout voir en un seul voyage, à moins d’y séjourner deux à trois mois.
Pour nous, qui sommes épris de nature et de grand espaces, un second trekking Cap Vert semble indispensable. Les îles de Fogo avec le volcan Pico qui culmine à 2661m d’altitude, Brava la plus petite des îles, sauvage et difficile d’accès ou encore São Nicolau, île rurale et délaissée des touristes qui offrent des randonnées plus faciles, les prétextes ne manquent pas pour boucler le sac à dos.
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